Avec un capital de départ de 10 000 F. Cfa, Marie-Pierre Kamdem possède, 17 ans plus tard, un laboratoire artisanale qui vaut 6 millions et fabrique des produits faits avec la pulpe, l’écorce, les feuilles, la sève de ce fruit.
Alors qu’elle est en classe de seconde, Marie-Pierre Kamdem est l’une des filles d’honneur du mariage de sa tante. Pour se faire belle, elles sont toutes envoyées dans un salon de coiffure où on leur met des « produits brillants » sur la tête. Deux semaines plus tard, ses cheveux s’arrachent. Marie-Pierre pleure et pense avoir un cancer. « Ce n’était heureusement pas le cas, se souvient-elle, soulagée. J’ai commencé à utiliser un produit qui a fait repousser un peu mes cheveux. Au bout d’un an, la pharmacienne m’a dit qu’elle ne pouvait plus commander pour une seule cliente».
Marie-Pierre Kamdem n’a plus qu’un seul but : faire des études de cosmétique pour soigner ses cheveux. Après son baccalauréat, elle s’envole pour le Nigéria, mais, ne trouve pas cette filière. Elle choisit biochimie. Sitôt ses études achevées, elle retourne au Cameroun. Elle a 10 000 F. Cfa en poche, achète des avocats et se met à produire des pâtes. Autour d’elle, on rit et se moque. « Ils disaient :’’tu es allée fréquenter à l’étranger. Tu as fini tes études et voit ce que tu fais. Tu n’iras pas loin avec’’». Elle s’entête, réfléchit et commence à extraire de l’huile d’avocats qu’elle propose dans des boîtes recyclées.
Entre 1 000 et 40 000 F. Cfa
Les clients aiment. 17 ans plus tard, Marie-Pierre Kamdem fabrique des savons, champoings, laits de toilettes, gommages, glycérine, crèmes pour cheveux… Tout est fait grâce à l’avocatier : feuilles, écorces, fruits, sève, noyaux. « Notre but est de fabriquer des produits pour les femmes d’Afrique. Des produits adaptés à leur peau, assure la jeune femme, la quarantaine entamée. Nos produits hydratent, nettoient, régénèrent, cheveux et peaux ». Marie-Pierre mise « exclusivement » sur l’avocat.
Sa touche magique ? L’escargot et sa recette de grand-mère. Elle pratique l’heliculture, l’élevage des escargots. « Lorsque nous observons l’escargot, nous voyons que, dès que sa coquille est cassée, il la régénère tout simplement. Nous récoltons donc le « gel » (glaire) d’escargot qui est embouteillé et nous ajoutons dans l’huile d’avocat, dans les crèmes corporelles, des savons et autres », confie-t-elle. Les prix de ces produits, testés dans un laboratoire en Allemagne grâce à la générosité d’une amie, varient entre 1 000 et 40 000 F. Cfa.
De 10 000 à 6 millions de Francs
« Nos crèmes sont sans pétrolax car, c’est le pétrolax qui permet de diluer les crèmes pour faire de grandes quantités et les vendre moins cher sur le marché. Nous avons choisi d’entretenir, de nourrir et de nettoyer correctement les peaux », lâche-t-elle, non sans fierté. De plus, Marie-Pierre a pris le temps d’observer sa grand-mère qui parcourait des kilomètres pour aller en brousse chercher des noix sauvages qu’elle employait pour en faire des baumes corporelles. Elle refait le même chemin et les mixe pour en extraire de l’huile. « Elle nettoie la peau et on a l’impression qu’on a passé la journée à faire un gommage, à entrer dans le hammam », jure la cosmétologue.
Avec un capital de début de 10 000 F, Marie-Pierre pèse aujourd’hui 6 millions et emploie cinq personnes dont son mari. Le plus gros de son travail est fait à la main, en dehors d’un Moulinex pour tomates et d’un pressoir qu’elle a conçue et fait fabriquer. « J’ai besoin de fonds pour acheter des machines, faire tester mes produits dans un laboratoire et me faire certifier. Je rêve d’une véritable industrie où je produirai des produits naturels», avoue-t-elle. En attendant, l’infatigable cosmétologue produit aussi des huiles de ricin, de coco, de carottes « 100% ». Mais, l'avocat reste son fruit de cœur à cause de « ses vertus inestimables».
Théophile Minlo
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