mardi 14 mars 2017

GABON : L'HISTOIRE DES FANG-ZAMANES OU ZAMANE ( Fang Ekang ou Betsi )

Les Fang (Ekang ou Betsi) dits « Zamane » sont ceux qui occupent les régions du Moyen-Ogooué et le sud de l’Ogooué-Ivindo, et principalement l’axe Koumameyong-Booué. Mais aussi l’axe Koumameyong-Makokou. L’Ivindo sert de limite entre eux et les Kota et autres Kouélé, Boungom, etc.
La tradition orale (dans cette région du centre et de l’Est du Gabon) indique que Zamane était l’aîné des fils du fondateur du peuple Fang. Zamane viendrait de Nzam qui veut dire : quelque chose de très nourrissant (pour ceux de Makokou), ceux qui aiment la nourriture bien cuite (pour ceux de Boué).
Les Fangs et donc les Zamane sont venus d’Adzombogha (Ondzam-bowa), lieu mythique devenu période historique au cours de laquelle un arbre, au sommet d’un plateau, barrant a dû être percé pour passer. Ensuite la rivière Yom (Nyong) a été franchie sur le dos d’un serpent. C’est aux sources du Kom que les Fangs se séparent. Les Zamane marchent suivent l’Okano puis la Mvoung évitant l’embouchure de l’Ivindo où vivent déjà les Chiwa, puis ils s’établissent sur la rive nord de l’Ogoué, traversent l’Okano et l’Abanga, poussèrent avant d’atteindre le lac Azingo.
Du côté de Ndjolé, les Akélé et les Bakota sont repoussés par les Zamane. Les Akélé se réfugient sur la rive sud avant de céder finalement leur territoire qui s’étend jusqu’à Samkita.
Il y a 200 ans environs, les Zamane vivant aujourd’hui à Makokou, par exemple, vivaient encore sur l’Ayina (haut Ivindo). C’est vers 1860 que les Zamane sont arrivés sur l’Ogoué.
Les différents clans Zamane se sont installés au gré des guerres. Des guerres éclataient avec les peuples voisins et entre Fang eux-mêmes, pour conquérir un territoire, prendre des femmes, piller des marchandises.
A l’origine les clans vivaient séparés en villages distincts, puis il y eut des mélanges. Chaque village comptait autant de corps de garde que de grandes familles, il était entouré de barrières de bambous.
L’armement Zamane, comme l’armement Fang (Ekang) était très avancé. Il évoluait selon que les forgerons découvraient de nouvelles techniques de fabrication et de nouveaux matériaux. Il y avait, entre autres: sagaies, arbalètes, coutelas (onzil), arc avec flèches empoisonnées.
On ne mangeait les prisonniers que dans les grandes occasions, pour punir des adversaires trop méchants et surtout pour effrayer les ennemis. Les femmes étaient épargnées; il arrivait qu’elles séparassent les combattants, amenant ainsi un armistice. La paix s’achetait par les compensations habituelles, la rançon des prisonniers en surnombre était payée en femmes. Les pourparlers pour la paix avaient lieu dans un village si la querelle avait eu lieu entre Fang. S’il s’était agi d’une guerre avec les voisins (Shaké, Bangom, Okandé, Bichiwa, Bakouélé), deux chefs se rencontraient en pleine brousse, enterraient des talismans et prêtaient serment au-dessus.
Les Zamane se sont accoutumés aux terres sur lesquelles ils se sont installés. Ils ont donc commencé à cultiver l’igname sauvage, puis le maïs. Le contact avec les pygmées dans la forêt ont amené les Zamane à cultiver aussi lemanioc et la banane
Les forgerons occupaient une place essentielle dans l’économie sociale. Ils travaillaient aussi bien l’or, que le cuivre et le fer.
Les Zamane ont beaucoup appris des Bichiwa et des Bakota qui étaient installés avant eux. Notamment sur le plan vestimentaire. Les pagnes de raphia sont une technologie des Kota et Chiwa; La fabrication des pirogues leur a été enseignée par les Bakouélé et des Okandé. Les maisons étaient en écorce, sur deux rangées avec une allée centrale contenant les corps de garde.
« L’ivoire était la richesse des Fang. » La dot se donnait en pointes d’ivoire et en objets de fer. II y avait des bracelets d’ivoire. Le sel était extrait des plantes. Puis vint le sel du commerce, échangé, ainsi que les pagnes, contre l’ivoire et le caoutchouc.
Les Zamane comme tous les Fang (Ekang/Betsi) sont patrilinéaires. Ils disent leur généalogie pour s’identifier au sein de leurs communautés. Le clan (ayong) est exogame, avec hospitalité et secours obligatoire, et avec des interdits particuliers (certains oiseaux, panthères, chimpanzés, gorilles). Dans chaque village chaque clan avait son chef qui jugeait les palabres. Les clans étaient amis ou ennemis, les alliances se nouaient par échanges matrimoniaux; des guerres avaient souvent pour conclusion de telles alliances. Dans le cas de contestation entre clans, des arbitres étaient choisis dans des clans neutres parmi les gens réputés pour leur puissance et leur sagesse. En cas de guerre intéressant tout un village, ces clans choisissaient un chef temporaire pour les opérations.
On retrouve les mêmes clans chez tous les Fang et aussi parfois chez les peuples voisins. Ils se reconnaissent, bien que les noms diffèrent. Par exemple si tu une personne est du clan Eshizou (Zamane), elle doit savoir qu’elle est aussi les Yongol (Betsi), Nkodzè (Ntoumou), Yevo (Cameroun), Ebitam (Chiwa), Ebiveng (sur les lacs), Evon (un peu partout). Ces parentés claniques facilitent beaucoup les déplacements des Fang.
Les sanctions sociales étaient sévères. Le complice d’adultère pouvait être égorgé, de même la femme si elle récidivait; on se contentait parfois de lui couper la vulve ou les oreilles. Le voleur pouvait être racheté par sa famille sinon on l’égorgeait. L’assassinat déclenchait la bagarre entre clans, suivie de compensations et d’un banquet de réconciliation. L’adultère pouvait aussi se résoudre par la remise aux offensés de l’amant ou de membres de sa famille. S’ils se conduisaient bien ils étaient incorporés à la famille du maître; s’ils se sauvaient, c’était la guerre.
Les Fang ne vendaient pas d’esclaves. Certains clans possédaient autrefois des Pygmées (Békü) qui ont disparu.
On se mariait entre clans Fang, et, plus récemment, avec les autres peuples, sauf ceux ayant un système matrilinéaire à cause de l’attribution des enfants.
Le chef de clan était choisi parmi les hommes influents, hospitaliers, riches (ayant beaucoup de femmes, de mou- tons, d’enfants), connaissant la coutume, sachant régler les palabres et connus comme courageux.
Les territoires des villages étaient délimités par des arbres fruitiers; les droits de pêche étaient aussi précisés. Dans chaque territoire avait lieu une répartition par famille. Si un village se déplaçait (généralement pour cause de maladie), le territoire restait sa propriété. Nul ne pouvait s’y installer sans l’autorisation des anciens habitants, sinon c’était la guerre. C’est « Elik »

Le nom complet du Dieu créateur est Nzama Mamébeng Sikoum Mba Ngué (tradition Boué). Mais le culte essentiel était celui des Biéri, c’est-à-dire des ossements d’ancêtres. Chaque famille conservait ainsi quelques os des hommes importants, surtout le crâne. Ces os étaient mis dans des corbeilles et placés dans un coin sombre de la maison ou dans une petite case spéciale. On les priait en les oignant de poudre rouge ou jaune et d’huile, et l’on exécutait des danses avec des masques spéciaux. Parfois des statuettes sculptées étaient placées auprès des Biéri. Pour le départ à la guerre, on priait un ancien guerrier célèbre, pour faire du commerce, un ancien homme riche. Tout cela a été détruit. « Depuis, disent le gens de Boué, l’autorité a disparu et les femmes n’ont plus d’enfants. ».

                                               ABONNEZ VOUS !  
Rédigé selon des témoignages enregistrés en 1961 par Hubert Deschamps :
A Ndjolé : Mengome Armand, pasteur, 60 ans. – Ossema Paul, ancien moniteur, 66 ans. – Ango Jacques, évangéliste, 60 ans. – Dioba Edouard, ancien interprète, 75 ans. – Eko Marcel, écrivain principal en retraite.
A Boué : Ndétom Adrien, commis d’administration, 55 ans, village Akigilam. – Mamven David, 58 ans, chef de cànton, ex-adjudant, village Bisoubilam. – Ndong Paul, 61 ans, chef du village Nzafien. – Evoung Zacharie, chef du village Koumanejong, 61 ans. – Ondo Hippolyte, village Akigihm, 52 ans. – Ndong Békalé Daniel, ex-garde, vil- lage Misoubilam, 56 ans. – Nangoué André, chef de terre, village Koumanajong, 51 ans.
A Makokou : Nzé Thomas, député. – Engon Adjué, 71 ans, village Mayiga. – Zomo Oyone, 76 ans, village Andok. – Maignier Fabien, chef de canton, 52 ans. – Ndong Engoé, 71 ans, village Ebieng. – Bengham Mba, 75 ans, village Amiaré.

1 commentaire: